Farandole de vies

par Chantal Zumwald

BiT / par la Cie Maguy Marin / conception Maguy Marin / du 22 au 24 avril 2015 / Théâtre de Vidy / plus d’infos

© Didier Grappe
© Didier Grappe

La danseuse et chorégraphe française Maguy Marin propose pour quelques jours sa dernière composition, BIT, au public lausannois. Elle se dit ici surtout influencée par les tableaux très rythmiques de Paul Klee. Cette performance très applaudie, composée avec des moyens très simples, fascine et surprend en hypnotisant le spectateur du début à la fin.

Après de nombreux succès comme le mythique May B (1981), Cendrillon (1985), Description d’un combat (2009), Salves (2010), Faces (2011), Nocturnes (2012) et beaucoup d’autres, Maguy Marin et sa sympathique équipe émerveillent à nouveau le public avec leur dernière création, BIT. Le rythme est la grande affaire de cette pièce dansante surprenante, métaphore de la vie, qui s’installe dans une pénombre scénique qui ne se dissipera qu’au tableau final. Cette obscurité donne au temps et à ses pulsations une force plus intense, que souligne la musique techno continue, entêtante, envoûtante même, de Charlie Aubry.

Du noir émerge un décor sobre composé de grands plans inclinés sur lesquels s’aventurent des pieds dansant la vie pour, parfois, chuter dans le vide de l’autre versant. Ce décor, par son jeu d’ombres, nous plonge au sommet d’une tour de contrôle, en pleine guerre, sur un fond de bruit de roulements sourds, d’avions, de terreur humaine, d’où s’élève une voix latine qui vient dominer ce monde incertain. Les fourmis humaines s’y aventurent, main dans la main, composant une chaîne dansante très stylisée. Le bruit devient infernal. Indifférentes, les fourmis continuent leur danse de la vie, frénétiques, dans une ronde qui tourne, tourne, incessante, souple, majestueuse. Mais l’homme courbe l’échine, grimpe, essaie de rester en haut de l’échelle. Tous grimpent, redescendent, prennent du temps sur la pente : clowns innocents et aveugles, fabuleux. On virevolte jusqu’à la folie, en accord, en désaccord, on suit les normes, on fuit ses prisons, on s’évade, on suit ses rêves et à chaque fois, on recherche un nouvel équilibre. Mais la vie, c’est aussi des cassures, des drames, des viols, le sang qui coule. L’homme revient à son état rampant, les mâles s’affrontent. Arachné dévide sa bobine de la vie. Les dogmes prennent le pouvoir, le monde est noir, la lumière ne peut percer cette profonde obscurité ; blasphèmes, sexe, corruption ; c’est le règne des morts vivants. Les clowns avancent tels des métronomes, dominés par le pouvoir et la crainte de Dieu, de la peste. Cette pièce dansante explore les fonds les plus noirs de l’être humain.

Pour terminer, la lumière revient sur la Terre avec l’apparition de la civilisation et de ses beaux habits de paillettes. Réalité ou apparences trompeuses ? Les clowns des clowns cherchent encore à atteindre le sommet… et retombent : la farandole de la vie reprend ses droits.