Une commedia dell’arte contemporaine et déchaînée

Par Lisa Tagliabue

Les Jumeaux vénitiens / de Carlo Goldoni / mise en scène de Mathias Simons / du 28 octobre au 14 novembre 2014 / Théâtre de Carouge / plus d’infos

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Un mélange de personnages, d’histoires, de quiproquos mais aussi d’époques : la comédie de Goldoni Les Jumeaux vénitiens se transforme, sous les mains de Mathias Simons, en une pétillante représentation sur un registre délibérément contemporain.

Sur scène, une toile peinte, positionnée à environ un mètre de hauteur, coupe le plateau. C’est un tableau de style Canaletto représentant une ville. Derrière, des jambes, une dizaine de paires. La mise en scène de Mathias Simons, dépouillée sur le plan des objets, est pensée pour mettre en valeur le jeu des acteurs, point focal du spectacle et véritable force de cette pétillante représentation.

L’histoire en elle-même est déjà celle d’une très belle comédie italienne, avec des situations improbables et drôles, mais c’est grâce à la virtuosité des acteurs que l’intrigue prend vie. Fabrice Murgia rend de manière exemplaire à la fois le brillant Tonino et le rustre Bergamasque Zanetto. Ces deux frères jumeaux, séparés peu après leur naissance, se retrouvent sans le savoir tous les deux à Vérone, pour des questions d’amour. La présence de ces deux individus, qui ignorent leur existence réciproque, va donner lieu à des quiproquos sans fin. La comédien arrive à passer d’un frère à l’autre avec tant de naturel qu’il donne l’impression qu’il y a non seulement deux frères vénitiens … mais aussi deux Murgia sur scène. Vincent Cahay interprète lui aussi avec une énergie admirable le personnage de Pancrace, le plus ingrat et mesquin de toute la pièce. Cahay, grâce à sa mimique faciale et à l’expressivité de son corps amplifie le caractère de Pancrace. Il arrive à transmettre la méchanceté avec laquelle son personnage manipule les gens. Il y a aussi les maschere, les personnages archétypiques de la commedia dell’arte, comme Arlequin, Colombine, sans oublier Brighella, eux aussi joués avec habileté ; ou encore Florindo et Lelio, qui combattent pour le cœur de Béatrice à pas de break dance et de battle rap.

Ce qui frappe dans le spectacle de Mathias Simons, c’est aussi le registre contemporain. Si certains détails des habits, comme les colli a sbuffo, peuvent rappeler l’époque de Goldoni,  une grande partie des tenues sort tout juste d’un magasin d’aujourd’hui : sneakers, shorts sportifs, minijupes. Ajoutons à cela des mouvements dignes de danseurs contemporains, quand ils ne sont pas de l’ordre du cirque… Mathias Simons transpose de nos jours une histoire écrite au XVIIIe siècle, sans pour autant perdre la force comique de la pièce originale.

Si à l’époque de Goldoni cette pièce faisait éclater de rire la salle, il en a été de même pour le public présent lors de la première au Théâtre de Carouge. Si vous aussi avez envie de passer un agréable moment de détente et de joie, n’hésitez pas à aller voir Les Jumeaux vénitiens à Carouge jusqu’au 14 novembre.