Le Loup invite les éléphants

Par Sabrina Roh

Une critique du spectacle :
Recherche éléphants, souplesse exigée / d’après Russel Hoban / mise en scène, scénographie et masques Eric Jeanmonod / Théâtre du Loup à Genève / du 21 mai au 14 juin 2014 / plus d’infos

© E. Jeanmonod, d’après O. Baillif

L’humour british s’installe pour quelque temps au Théâtre du Loup à Genève. Dans sa mise en scène de la pièce Recherche éléphants, souplesse exigée, Eric Jeanmonod emmène le public dans un monde merveilleux. Une aventure chorégraphiée et un humour qui touche petits et grands.

Un arbre à table, un arbre à chaise, un arbre à restaurant, qu’il faut couper, scier, faire sécher. Puis tout recommencer, encore et encore. C’est le prix qu’est prêt à payer Charlie, un vieil homme qui, pour faire plaisir à sa femme, accepte de construire une table, puis deux, puis enfin dix-neuf. Recherche éléphants, souplesse exigée est une pièce de Russel Hoban, dramaturge américain exilé en Angleterre, qui relate la vie d’un couple de personnes âgées bien décidées à apporter de la fantaisie dans leur quotidien. Pour cela, ils visent haut : engager vingt éléphants pour ouvrir un restaurant.

Le metteur en scène Eric Jeanmonod propose depuis trente-cinq ans des mises en scène explosives qui donnent une image fantaisiste du quotidien. Après vingt-quatre ans, le Théâtre du Loup revisite Recherche éléphants, souplesse exigée. En effet, l’institution aime revenir sur ses spectacles emblématiques, comme elle l’a déjà fait avec Le Bon Gros Géant ou La triste histoire de Marguerite. La pièce pachydermique, déjà jouée en 1990, est reprise cette fois-ci avec de nouveaux décors, de nouveaux costumes et une nouvelle distribution. Cette dernière reste pourtant composée à la fois de comédiens professionnels et d’enfants. Pour transmettre cette fable à l’humour anglo-saxon complètement déjanté, le metteur en scène, assisté d’Adrien Barazzone et de Rossella Riccaboni, mise sur un effet visuel surprenant qui emmène le spectateur dans un univers proche de celui de la bande dessinée. L’objet y possède une place importante, car c’est lui qui déclenche le déroulement des événements. En effet, Lucy, la femme de Charlie, établit un système de cause à effet déroutant : si son mari a vieilli, c’est dû à leur table bancale. Ce dernier s’attèle donc à la construction d’un nouveau mobilier. Un tel changement dans leur vie pousse le couple à aller encore plus loin et à ouvrir le restaurant Aux vingt éléphants. Dès lors, les préparatifs commencent et des tables, des chaises, mais aussi des couverts et un camion grandeur nature envahissent l’espace scénique.

Tous ces accessoires maniés avec des gestes millimétrés font de la mise en scène une réelle chorégraphie. Accompagnés de quatre musiciens, membres de The Lonely Hearts Ristret Band, placés sur un petit îlot aux couleurs exotiques, les comédiens participent au tempo de la pièce en plaçant en rythme une fourchette par ci, une assiette par là. Quelques longueurs sont à relever lors des changements de décor. Ces intermèdes permettent toutefois au public de se concentrer sur la gestuelle des comédiens.

Ces derniers, de par leurs costumes composés de masques proéminents et de rembourrages, présentent une certaine appartenance au monde des objets. En effet, les caractéristiques de chaque personnage étant caricaturées, ils rejoignent le rang des jouets. Mais des jouets animés, car leur comique de gestes est bien l’une des forces de ce spectacle. En effet, alors que les voix sont prises en charge par les musiciens, les comédiens s’attèlent au mime. Dans cet exercice qui requiert une bonne maîtrise du corps, les amateurs font preuve d’un grand professionnalisme et cette prouesse est particulièrement illustrée à travers le personnage de Jo le chat : ses interventions impromptues et sa démarche féline créent une sorte de fil conducteur tout au long du spectacle. Ainsi, l’humour clownesque des comédiens allié à l’humour de langage des narrateurs fait de Recherche éléphants, souplesse exigée un spectacle qui comble petits et grands. On émettra tout de même une petite réserve sur le parti pris de conférer au couple un accent anglais. Loin d’être vraiment dérangeant, il ne semble cependant pas enrichir le spectacle, d’autant plus que les comédiens Vincent Babel et Lola Riccaboni, font preuve d’une grande aisance dans le jeu de masques.

Cette pièce, qui prouve qu’il n’y a pas d’âge pour refaire sa vie, est également un réel retour en enfance pour les spectateurs. A voir du 21 mai au 14 juin au Théâtre du Loup à Genève.

 

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