Dure actualité et narration féérique

Par Suzanne Balharry

Une critique du spectacle :
La Petite Fille aux allumettes / d’après Hans Christian Andersen / création Pan ! (La Compagnie) / mise en scène Julie Annen / Petit Théâtre de Lausanne / du 29 janvier au 16 février 2014

© Pénélope Henriod

La tristesse de La Petite Fille aux allumettes fond comme la neige sous les lumières féériques et les musiques joyeuses de cette création de Pan ! (La Compagnie). L’histoire est triste, et il ne faut pas oublier qu’elle raconte une dure réalité, mais on peut la raconter avec douceur.

Le désir de mettre en scène le conte de Hans Christian Andersen est venu à Julie Annen après la lecture de l’histoire avec son fils, avec le désir de répondre aux nombreuses questions qu’éveillait en lui la fin tragique. Sa mise en scène se passe aujourd’hui et s’inspire notamment de ses propres souvenirs d’enfance. Quand elle avait quatorze ans, sa famille a été plongée dans la précarité et s’est vue forcée d’emménager dans un camping-car. Elle souligne donc dans son adaptation du conte, avec humour et douceur, combien l’histoire de la petite fille est d’actualité et combien la situation est grave pour ceux que la pauvreté exclut, plonge dans l’isolement, et que nul ne souhaite plus voir.

La scénographie propose comme simple décor deux lampadaires, une guirlande de noël et un plateau nu qui mettent en valeur la performance des comédiens. Ceux-ci donnent vie aux différents tableaux de l’histoire par des chorégraphies imagées qui illustrent à la fois les rencontres de la petite fille avec des personnages et avec des objets animés qu’elle imagine. Ils jouent ainsi non seulement la grand-mère ou le journaliste, mais aussi le sapin de noël et l’incroyable dinde dorée qui danse le cancan sur un air de Marie-Paule Belle. Ces scènes pleines de magie sont cadrées par la narration du conte par la voix de la petite fille elle-même, qui confie ses inquiétudes au sujet du sort de ses parents et s’interroge sur la meilleure manière d’échapper au froid.

Dans les premiers instants puis à la toute fin de la pièce, des enregistrements de voix d’enfants commentent l’histoire. Rencontrés par Julie Annen en Belgique, en France et en Suisse, ces enfants expliquent avec des mots simples mais pleins de justesse ce qu’ils ressentent notamment par rapport à la fin tragique de la fillette, qui les attriste mais qu’il faut accepter puisque tout le monde meurt un jour. Ces commentaires, parfaitement clairs pour les petits, font réfléchir les plus grands sur la manière dont on explique la violence du monde aux enfants. Ils ouvrent, comme le souhaite la metteure en scène, un espace de dialogue et de questionnement autour de l’histoire.

Julie Annen a une douzaine de pièces à son actif, dont La Sorcière du Placard aux Balais (2005), La Tempête (2007), Messieurs les enfants (2008) et Ceux qui courent (2009). Son adaptation chaleureuse et réaliste de La Petite Fille aux allumettes est à voir au Petit Théâtre de Lausanne jusqu’au 16 février.

 

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