Raconte moi une chanson

Par Suzanne Balharry

Une critique du spectacle :
Chantons quand même ! / de Frank Arnaudon et Claudine Berthet / Théâtre des Osses à Fribourg / du 13 au 31 décembre 2013

© Ludovic Manzoni

Raconte-moi une chanson
Par Suzanne Balharry

Chantons quand même !, second spectacle de la Compagnie Le Pavillon des Singes, propose un voyage à travers le Paris occupé de la Deuxième Guerre mondiale… et une bouffée de bonne humeur en chansons.

Les premières scènes du spectacle se situent en 1939, au moment de l’annonce de la mobilisation générale. Les trois acteurs entonnent joyeusement une chanson de Maurice Chevalier intitulée Ça fait d’excellent Français : « Le sergent était boulanger pâtissier, le caporal était dans l’ignorance, et l’deuxième classe était rentier ! Et tout ça, ça fait d’excellents français, d’excellents soldats qui marchent au pas ». Le ton est donné. Il sera question de la guerre et de l’Occupation avec beaucoup d’émotion mais aussi d’humour.

Chantons quand même ! met en scène des chansons françaises écrites pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le spectacle évoque le quotidien sous l’Occupation à Paris, avec les restrictions, le marché noir, et les aspirations des hommes et des femmes. Y apparaissent aussi bien des habitants dans leur vie de tous les jours, interrompue par la radio qui diffuse en juin 1940 l’annonce de la capitulation du Maréchal Pétain, que des artistes comme Léo Marjane, chantant dans des salles de spectacle où se mêlent Parisiens et membres de la Wehrmacht.

Chaque chanson fait naître une scène, avec un décor et des costumes qui lui sont propres, et si une réplique introduit ou ponctue parfois certains titres, le spectacle ne contient finalement que très peu de texte parlé. Cette structure, que la Compagnie Le Pavillon des Singes proposait déjà en 2011 dans son premier spectacle autour des chansons françaises de la Troisième République Je vous préviens, je ne vais pas chanter, surprend tout d’abord. Les chansons ont cependant un grand pouvoir d’évocation, qui donne vie au quotidien des soldats, des femmes restées à Paris, et des Résistants.

Passionné par la vieille chanson française, Le Pavillon des Singes, dont le nom est une référence à la maison dans laquelle a grandit Molière, s’interroge également sur le statut de ce genre musical pendant l’Occupation. Si elles permettent au pays occupé de revendiquer sa culture et donnent du réconfort, comme en témoigne la fréquentation assidue des salles de spectacle à cette période, les chansons sont aussi critiquées par ceux qui estiment qu’elles endorment le peuple et le détournent de la Résistance. La compagnie prend le parti de montrer la force des deux points de vue avec le titre évocateur Chantons quand même !

Le metteur en scène, Frank Arnaudon, joue et chante également, et on retiendra sa belle performance d’une rengaine de Charles Trenet intitulée Un rien me fait chanter (1941). Habitué des scènes romandes, il est issu de la première volée de la Manufacture et travaille régulièrement avec le Collectif Division de Julien Mages. Les arrangements musicaux sont signés Sylviane Huguenin-Galeazzi, cheffe de chant et pianiste, qui collabore depuis vingt ans avec le Théâtre des Osses.

© Ludovic Manzoni

Les chansons sont aussi interprétées par deux autres acteurs, Claudine Berthet, qui joue  elle aussi régulièrement dans les théâtres romands, et Frank Michaux, qui est également passé par la Manufacture et travaille avec le Collectif Division. Sa voix et son jeu plein de vie donnent un humour mélodieux à plusieurs des titres du spectacle, en particulier Elle a un stock de Gorgius (1940). On ressortira de ce spectacle pour petits et grands d’excellente humeur, avec des chansons plein la tête. A découvrir au Théâtre des Osses à Fribourg jusqu’à la fin de l’année.

 

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