Monsieur chasse, Madame se fâche, l’amant tombe la chemise… et le pantalon !

Par Cecilia Galindo

Une critique du spectacle :
Monsieur chasse ! / de G. Feydeau / mise en scène Robert Sandoz / Théâtre du Jorat à Mézières / du 3 au 6 octobre 2013

© M. Vanappelghem

La dernière création du metteur en scène neuchâtelois Robert Sandoz, lecture originale et dynamique du vaudeville de Feydeau Monsieur chasse !, a fait trembler les murs du Théâtre du Jorat vendredi soir. Les rires des spectateurs font partie de cette agitation, mais ce ne sont pas les seuls.

Un coup de feu retentit et fait vibrer la salle : la saison de la chasse est ouverte, le spectacle peut commencer.

Le décor est sobre, un mur de ton clair au motif écossais assorti au sol de la scène et au canapé, qui est l’unique pièce de mobilier apparent à l’ouverture du spectacle. L’abondance et la richesse des éléments de décor dont Feydeau fait la liste détaillée dans ses didascalies en début de chaque acte ont été écartées. Ici, on ne garde que le nécessaire pour faire ressurgir l’essentiel, et si un objet ne sert plus, on le fait disparaître. C’est le début d’un spectacle qui s’avèrera mouvementé et ponctué d’apparitions inattendues.

On l’aura deviné, la scénographie, signée Nicole Grédy, n’évoque plus grand-chose du luxe de la Belle époque. Il en va de même pour l’apparence des personnages : disparus les corsets et les moustaches en pointe, le style rappelle désormais les années 1950. Sans oublier la récurrence du motif à carreaux, qui s’affiche non seulement dans le décor, mais aussi sur les vêtements et même jusqu’aux sous-vêtements.

Robert Sandoz propose donc une version étonnante de la pièce de Feydeau, accordant une importance visuelle toute particulière aux personnages, qui se démarquent avec netteté et relief de cet environnement minimaliste et uniformisé.

L’accent est également mis sur la gestuelle, les comédiens se déplaçant avec élégance et précision, comme des danseurs s’appliqueraient à présenter une chorégraphie maîtrisée. Mention spéciale pour le comédien suisse Joan Mompart, qui en est à deux collaborations avec le metteur en scène neuchâtelois et la compagnie L’outil de la ressemblance (Le Combat oridnaire, 2012), dont les gestes accompagnent le texte avec beaucoup d’humour.

Mais les comédiens ne sont pas les seuls à se mouvoir, puisque les objets, eux aussi, se déplacent. En effet, les caractères ludique et mobile du décor ? le canapé qui coulisse, la table qui glisse, les portes et fenêtres qui apparaissent et disparaissent ? ajoutent à la pièce un dynamisme qui s’accorde plutôt bien avec la tonicité du jeu des comédiens. Tout est en mouvement, même les murs, qui bougent et dévoilent parfois des ouvertures secrètes.

Mais de quoi s’agit-il au fond ? Monsieur chasse ! , comme le titre l’indique, c’est d’abord une histoire de chasse. Non, c’est plutôt une histoire de portes, qui s’ouvrent et se ferment. Ou peut-être est-ce une histoire de pantalon. C’est probablement tout cela à la fois. Mais Monsieur chasse !, c’est surtout une représentation du comportement de l’humain, lorsque celui-ci se retrouve confronté à un dilemme entre le désir et la raison. Comme l’explique le metteur en scène, « les personnages de Feydeau sont des funambules en équilibre entre leurs pulsions et leur volonté de confort », deux pôles au milieu desquels la définition de l’amour est remise en question. Léontine aime son mari et n’est pas prête à le tromper, malgré les avances de Moricet, lui-même ami dudit mari. Mais lorsqu’elle apprend que son époux prétexte une partie de chasse pour aller retrouver sa maîtresse, Madame envisage l’adultère par vengeance. Jusqu’à ce que la culpabilité s’installe 40 rue d’Athènes et dirige l’intrigue vers une histoire policière, un trait que Robert Sandoz souligne, en partie à travers une musique de film noir et un jeu de lumières efficace.

Cependant, il s’agit d’un vaudeville et les quiproquos ainsi que les événements cocasses sont au rendez-vous, ce qui permet d’aborder le sujet avec une certaine légèreté. Certains passages sont bien évidemment attendus mais l’on parvient tout de même à s’en délecter, et ceci notamment grâce à l’interprétation convaincante des six comédiens.

Pour ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de voir ce Feydeau revisité, la pièce sera jouée une dernière fois au Théâtre du Jorat le dimanche 6 octobre pour clore en feu d’artifice la saison de cette « scène à la campagne », ou le 18 octobre à la salle CO2 de Bulle. Présentée pour la première fois en janvier 2011, la pièce a déjà visité de nombreux théâtres suisses et français, ce qui en dit beaucoup sur le succès rencontré.

 

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