Un très beau livre pour l’immigration

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Fruit du travail de 40 chercheurs internationaux, «La France arabo-orientale» évoque une longue histoire commune débutée au VIIIe siècle. Un parcours illustré par une riche iconographie.

Une enquête menée par Le Monde et l’Institut Ipsos en janvier 2013 indiquait que 70% des personnes interrogées trouvaient «qu’il y a trop d’étrangers en France». Les trois quarts jugeaient l’islam «intolérant» et incompatible avec les valeurs de la société française. On ne saurait trop leur recommander la lecture de «La France arabo-orientale».

De la prise de Narbonne par les Omeyyades en 719 jusqu’à la Marche pour l’égalité et contre le racisme en 1983, l’ouvrage met en lumière 13 siècles de présences orientales et nord-africaines qui ont tout à la fois profondément marqué et enrichi l’Histoire de France. C’est cette histoire commune que l’ouvrage tient à souligner. «A l’heure où la France questionne son identité, certains prônent le retour d’une unicité qui n’a en fait jamais existé. Le pays s’est depuis des siècles métissé, explique l’historien Nicolas Bancel. Mais on peine à comprendre pourquoi la France refuse de se penser pays de rencontre.» Professeur associé à l’UNIL et directeur-adjoint de l’ISSUL, l’historien a dirigé l’édition de «La France arabo-orientale», aux côtés de Pascal Blanchard, Naïma Yahi et Yvan Gastaut.

L’ouvrage réunit les contributions de près de 40 chercheurs internationaux, mais convie aussi des acteurs du milieu culturel. Le chanteur du groupe Zebda, Salah Amokrane, a ainsi cosigné la postface. «Un clin d’œil à la modernité du propos.» «La France arabo-orientale» présente le phénomène migratoire sous l’angle historique et politique et donne aussi une large place à l’immigration artistique ou sportive débutée au XXe siècle. Pour mettre en évidence cette «culture française qui ne vit pas repliée sur elle-même mais s’enrichit des apports d’un Sud si proche», écrit l’historien Benjamin Stora dans la préface.

Mais l’ouvrage se veut tout autant historique qu’esthétique. 750 images, sélectionnées parmi plus de 80 0000 rassemblées, illustrent le beau livre. Album de famille solidement documenté où se croisent gravures, photos d’archives, extraits tirés de la presse ou encore peintures.
A noter que plusieurs tables rondes et une exposition itinérante accompagnent la publication de l’ouvrage. Après avoir traversé la France, l’exposition circulera au Maroc, en commençant par Rabat dès septembre. Cynthia Khattar

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Des évangéliques tentés par le pouvoir absolu

Ils désirent être présents et reconnus dans l’espace public pour y afficher leur foi et défendre les valeurs chrétiennes. C’est sans doute louable, mais certains évangéliques vont bien plus loin? «Les courants les plus actifs dans l’évangélisme ont fait le choix de s’engager dans la société avec, pour certains, le projet d’inverser le processus de sécularisation», écrit le sociologue Philippe Gonzalez dans son livre «Que ton règne vienne – des évangéliques tentés par le pouvoir absolu». Dans cette vaste enquête menée dans le monde évangélique suisse, plus particulièrement à Genève parmi la frange charismatique, le chercheur de l’UNIL explique comment et pourquoi ces fervents croyants développent des stratégies pour investir les sphères d’influence de la société. Leurs leaders parlent d’offensive d’évangélisation, de percée en territoire ennemi, de combat spirituel, et prient en prenant «autorité au nom de Jésus» sur telle ou telle ville ou pays. Dotés d’une théorie de l’hégémonie chrétienne, ces évangéliques désirent transformer la société et sauver le monde de la décadence.

Pour Philippe Gonzalez, cette volonté d’instaurer un régime théocratique menace nos sociétés libérales, plurielles et séculières, et par là même un vivre ensemble pacifié. Dans son enquête, il rapporte plusieurs actions menées par les évangéliques en Suisse depuis 2006. Par exemple, la dixième édition de la Journée nationale de prière, tenue à Berne en 2011, lors de laquelle des intercesseurs avaient été envoyés aux quatre coins de la ville, et notamment sur la Place fédérale, pour une «prise de possession spirituelle des lieux». Le sociologue retranscrit les propos entendus lors de ce type de manifestations ou sur Internet. Plus qu’il ne les juge, il les questionne, conscient que ces discours «inspirés», où l’espace public est considéré comme un champ de bataille spirituel, n’est pas l’apanage de tous les évangéliques. A ce propos, l’auteur met en lumière le manque de régulation théologique au sein de la mouvance évangélique et pose deux questions aux adeptes de ces mouvements? quelle identité souhaitent-ils donner à l’évangélisme et comment veulent-ils se rendre présents dans l’espace public? MS

Que ton règne vienne – Des évangéliques tentés par le pouvoir absolu. Par Philippe Gonzalez. Labor et Fides (2014), 464 p.

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Les erreurs judicaires n’arrivent pas qu’à la télévision; elles ne résultent ni du hasard ni de la malchance. Juriste et criminologue de l’UNIL, Joëlle Vuille mène l’enquête sur ces couacs de la justice et examine les éléments qui favorisent leur survenue? témoins pas toujours fiables, faux aveux, preuves scientifiques erronées… Si la justice se trompe parfois, «les erreurs judiciaires ne sont toutefois pas des accidents imprévisibles», démontre la spécialiste. MS

Erreurs judiciaires? la justice, condamnée à tort? Par Joëlle Vuille. Editions de l’Hèbe, Collection La Question (2014), 85 p.

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Et si l’on offrait aux personnes dans la rue un permis de mendicité? Dans un livre-enquête en terre vaudoise, trois sociologues explorent quelques pistes pour «redonner de l’humanité aux politiques urbaines». Des mesures concernant le logement sont exposées, avec en contrepartie la scolarisation des enfants par exemple. La gestion de la pauvreté que s’arroge l’Etat moderne doit s’accompagner d’une lutte contre les stéréotypes que déconstruisent ici les auteurs. NR

Lutter contre les pauvres. Par Jean-Pierre Tabin et René Knüsel, en collaboration avec Claire Ansermet. Editions d’En Bas (2014), 147 p.

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Grâce à un choix d’une centaine de textes, écrits entre le XVIIIe siècle et aujourd’hui, cette anthologie retrace la naissance et les développements de la conscience écologique. Le lecteur y trouve des documents parfois bouleversants et méconnus, comme la lettre de Tanaka Shôzô à l’empereur du Japon, rédigée en 1901, au sujet de la pollution provoquée par des mines de cuivre et des malheurs que cela provoque sur les populations. Une mise à distance utile pour mieux comprendre les questions qui se posent de nos jours. DS

La pensée écologique. Une anthologie. Par Dominique Bourg et Augustin Fragnière. Presses Universitaires de France (2014), 875 p.

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Journaliste à Unicom, service de communication de l’UNIL, Nadine Richon publie son premier roman, Crois-moi, je mens. Deux femmes, l’une en Belgique, l’autre en Suisse, s’essaient aux rencontres amoureuses par le biais de Facebook. Ancré dans l’hyper-contemporain, sur fond de relations virtuelles, le roman mêle dans un ton piquant références cinématographiques, littéraires, philosophiques, ou même universitaires – avec des personnalités de l’UNIL – pour s’interroger sur des maux propres à notre époque. CK

Crois-moi, je mens. Par Nadine Richon. Bernard Campiche Editeur (2014), 175 p.

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La «diégèse» est l’univers où advient l’histoire. Les films considérés ici conjuguent les univers au pluriel. Dans la série Fringe, un autre monde double le nôtre avec de subtiles variations. Le cinéma contemporain propose des réalités mentales anxiogènes ou consolatrices, souvent simulées/stimulées par la technologie. Ces «machines à mondes» répliquent à l’ère numérique et dans leur univers diégétique la machine-cinéma elle-même génératrice d’innombrables fictions. Cet essai exigeant et passionnant donne envie de revoir les nombreux films analysés. NR

Cinéma, machine à mondes. Par Alain Boillat. Georg Editeur (2014), 391 p.

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