Superman vole dans l’air du temps

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David Spring, rédacteur

L’occasion était trop belle. Avec la sortie cet été de Man of Steel, le film de Zack Snyder consacré à Superman, le premier des superhéros revient sur le devant de la scène. Apparu en juin 1938 sur le papier bon marché de la revue Action Comics, l’extraterrestre s’est aussitôt inscrit au coeur de son temps. Ainsi, dans une planche ahurissante datée du 27 février 1940 et publiée par Look, il arrête Hitler puis Staline, avant de les amener manu militari à la Société des Nations à Genève, afin de les faire condamner pour leurs crimes.

Rapide comme l’éclair, le redresseur de torts est plagié tout aussi vite : plus de 700 super-héros voient le jour entre 1939 et 1945 (lire l’article de Virginie Jobé). Leurs exploits alimentent une spirale de surenchère musculaire. Quand Superman se contente de soulever une voiture, son concurrent Captain Marvel, vêtu de rouge et d’or, la lance contre un mur (en couverture de Whiz Comics, février 1940). Au fil des comics, cette course aux armements implique la destruction de tanks à coups de poing, l’interception de missiles en plein vol ou le renflouage de sous-marins en perdition, le tout bien sûr dans le contexte de la guerre contre les forces de l’Axe.

Les costumes moulant s et les prouesses physiques des super-héros n’ont pas surgi du néant : les hommes forts des cirques, les acrobates, les magiciens, les catcheurs et les sportifs du début du XXe siècle ont influencé leur apparence. L’inspiration se trouve également chez les animaux. Les bonds invraisemblables du Superman des origines renvoient ainsi aux capacités des criquets.

Son invulnérabilité aux balles et autres contrariétés létales devient pourtant encombrante et ne laisse que peu de place aux surprises. Batman, qui a déployé ses ailes en 1939, est à cet égard plus intéressant, puisqu’il ne possède pas de pouvoirs autres que ceux procurés par une technologie d’avant-garde et par une fortune personnelle. Cette édition d’Allez savoir ! renvoie dos à dos, ou plutôt cape à cape, ces deux personnages, l’un solaire et positif, l’autre nocturne et tourmenté.

Après un long passage dans la zone des séries B au milieu du siècle précédent, les super-héros redeviennent fréquentables. Sorti en 1978, avec Christopher Reeve dans le rôle principal, Superman rapporte un milliard de dollars. Les trois films suivants ne connaissent toutefois pas un tel succès. Mais l’actualité des années 2000 mobilise à nouveau les justiciers surhumains. Parfois regroupés en coalitions, ils reprennent alors leur combat, c’est-à-dire la défense d’une Amérique placée sous le feu d’attaques extérieures. Il est ainsi bien difficile de ne pas voir dans Avengers (2012) une revanche sur le 11 Septembre. Les trois Batman réalisés par Christopher Nolan (2005, 2008, 2012) adoptent également une esthétique crépusculaire et pessimiste. Dans Man of Steel, Superman perd un peu de ses couleurs (et son ridicule slip rouge) pour adopter un costume plus terne et plus sombre. Ton sur ton avec son époque.

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