Quand les hippopotames trottinaient à Pully

Le paysage lausannois, il y a 25 millions d’années. De g. à dr. un Amphicyon (prédateur), un Amphitragulus (cervidé primitif), deux tapirs et un Anthracotherium magnum (ou valdense). D’après une peinture du Musée cantonal de géologie, Unlobogris & D. Bogdanov.
Le paysage lausannois, il y a 25 millions d’années. De g. à dr. un Amphicyon (prédateur), un Amphitragulus (cervidé primitif), deux tapirs et un Anthracotherium magnum (ou valdense).
D’après une peinture du Musée cantonal de géologie, Unlobogris & D. Bogdanov.

Des Anthracotherium magnum, aujourd’hui disparus, ont vécu sur tout le Plateau suisse, au milieu des palmiers et des figuiers. A leur époque, le climat de la région était de subtropical à tempéré.

«On sait que, il y a à peu près 25 millions d’années, durant le Miocène, on trouvait des hippopotames dans la région lausannoise, révèle Robin Marchant, conservateur de géologie et de paléontologie au Musée cantonal de géologie situé à Dorigny. Ils étaient de la famille des anthracothères, littéralement les animaux du charbon. Ce nom est lié au fait que le premier fossile du genre a été trouvé dans une mine de charbon en Italie.» Et souvent, les milieux charbonneux sont d’anciens marécages. L’endroit rêvé pour un Anthracotherium magnum, autrement dit l’une des premières espèces d’hippopotame avec le microbunodon. L’herbivore de deux mètres de long pour environ 200 kilos s’épanouissait sous le climat vaudois, alors subtropical à tempéré, mais aussi sur tout le Plateau suisse. «On a retrouvé des fossiles dans la molasse. Notamment dans le cadre de la construction de la Transjurane dans le canton du Jura. Le plus complet est sorti de la mine de la Rochette à Pully.» Les restes de ce dernier indiquent que l’animal se délectait de nénuphars et autres plantes aquatiques, entouré de palmiers et de figuiers. «D’après la position de ses naseaux, peu orientés vers le ciel, il devait être moins adapté à une vie aquatique que l’hippopotame actuel, précise le docteur en géologie. On ne peut donc pas exclure qu’il marchait plus volontiers sur la terre ferme que l’amphibie d’aujourd’hui.»

A ses côtés crapahutaient une dizaine d’espèces de tortues, des daims musqués, de petits rongeurs, des castors ou encore des cervidés. Sans oublier des crocodiles et des amphycions, des chiens ours qui pouvaient atteindre deux mètres et peser 80 kilos.

«La mâchoire du magnum était extrêmement puissante. Il pouvait avoir des dents broyeuses. Ce qui, selon une thèse effectuée à Fribourg il y a quelques années, laisserait supposer qu’il fût partiellement carnivore.»

En 1897 déjà, une dent d’hippopotame découverte près de l’embouchure de la rivière de la Morges (VD) avait créé l’événement. D’où pouvait-elle bien venir ? «Il y a eu tout un débat pour savoir si elle appartenait à l’espèce actuelle. On pensait qu’un hippopotame de cirque était mort à cet endroit. Jusqu’à ce que le paléontologue renommé Stehlin l’identifie comme un Hippopotamus pentlandi, connu en Sicile et qui date du Pléistocène (de moins de 1.8 million d’années).» La présence de cette dent en territoire vaudois restait donc un mystère. Tout au long du XXe siècle, des restes semblables ont été retrouvés dans différents coins de Suisse, uniquement dans des champs. «Quelqu’un s’est alors dit que cela provenait de l’épandage d’engrais. En effet, il y a déjà plus d’un siècle, on exploitait des gisements d’os fossilisés pour produire des engrais phosphatés en Sicile. Des engrais qui ont été répendus dans les champs helvétiques.»

Est-il possible d’imaginer qu’un jour des hippopotames aient cohabité avec des humains en Suisse ? «On ne peut pas complètement l’exclure. Car il y a environ 150’000 ans, entre les deux dernières glaciations, ces animaux étaient présents en Angleterre. A l’époque, ils vivaient donc au contact de Néandertaliens.»

Article principal: Comment étudier les hippopotames sans se faire tuer

JURASSIQUE SUISSE. Des dinosaures et des mammouths dans nos jardins. Par Robin Marchant, en collaboration avec Bernard Pichon. Ed. Favre (2014), 231 p.
JURASSIQUE SUISSE.
Des dinosaures et des mammouths dans nos jardins. Par Robin Marchant,
en collaboration avec Bernard Pichon.
Ed. Favre (2014), 231 p.

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