Les médecines complémentaires sous la loupe

Bertrand Graz. Ce chercheur et médecin généraliste enseigne dans le cadre de l’Unité de recherche et d'enseignement sur les médecines complémentaires. Il a dirigé l’ouvrage Les médecines complémentaires. Dépasser les clivages. Presses polytechniques et universitaires romandes (2012). Collection Le savoir suisse, 141 p. Nicole Chuard © UNIL
Bertrand Graz. Ce chercheur et médecin généraliste enseigne dans le cadre de l’Unité de recherche et d’enseignement sur les médecines complémentaires. Il a dirigé l’ouvrage Les médecines complémentaires. Dépasser les clivages. Presses polytechniques et universitaires romandes (2012). Collection Le savoir suisse, 141 p. Nicole Chuard © UNIL

Acupuncture, homéopathie, hypnose… Comment sortir enfin du débat «pour ou contre» les médecines non conventionnelles? Récemment paru, un ouvrage aussi bref que clair donne les clés nécessaires.

Le 17 mai 2009, le peuple suisse acceptait une initiative qui demandait de mieux prendre en compte les médecines complémentaires. Depuis 2012, cinq d’entre elles sont remboursées, sous conditions, par l’assurance maladie obligatoire.

Dirigé par Bertrand Graz, chercheur et généraliste, un livre arrive au bon moment pour faire le point sur ce sujet. L’auteur annonce la couleur: «Les patients traversent plus facilement que les soignants les frontières entre écoles thérapeutiques […]». Les approches complémentaires sont populaires parmi la population: mais par crainte d’un mauvais accueil, certains malades n’osent pas annoncer à leur médecin qu’ils y ont recours. Or, le risque d’interférence avec un traitement conventionnel est réel. Rencontré à deux pas du CHUV, Bertrand Graz prend l’exemple du millepertuis, qui est «un antidépresseur valable, mais également une source d’interactions!»

Pour qu’un dialogue dénué de jugements hâtifs s’instaure entre patients et soignants, ces derniers doivent être tenus au courant de l’abondante recherche menée dans le domaine des médecines non conventionnelles. L’ouvrage donne justement des liens vers des sites internet qui fournissent des informations fiables et validées quant à leur efficacité. Ainsi qu’une liste d’indications et de contre-indications.

Ceci amène à une notion nouvelle pour nous, l’evidence-based medecine, soit la médecine basée sur les preuves, qui s’est d’abord développée dans le monde anglo-saxon. «Nous sommes passés d’une époque où l’on se concentrait sur les mécanismes d’action des traitements à une autre époque: ce qui nous intéresse, c’est ce qui fonctionne. Et si on ne comprend pas tout à fait pourquoi, ce n’est pas si grave!» explique Bertrand Graz. Bien entendu, les chercheurs s’attellent ensuite à décrypter le phénomène observé: ainsi un chapitre détaille comment il a été montré, grâce à l’imagerie, que l’acupuncture a un effet spécifique sur certaines parties du cerveau.

Créée en 2011, l’Unité de recherche et d’enseignement sur les médecines complémentaires CHUV-UNIL organise des cours sur ce sujet, à destination des étudiants en médecine et, dès mars 2013, en soins infirmiers. Une formation très appréciée. Autre exemple: l’hypnose est utilisée au CHUV pour soulager les douleurs des grands brûlés.

Malgré ces efforts, la Suisse a encore du chemin à parcourir. Le livre propose un reportage à la Clinique Mayo, dans le Minnesota. Celle-ci pratique la «médecine intégrative», qui consiste à utiliser, sans tabou mais en toute rigueur, tous les moyens utiles pour assurer la santé et les soins. Les Etats-Unis ont pris une avance considérable, puisque 442 millions de dollars sont investis chaque année dans la recherche.

Le livre documente également le cas du Mali, où des guérisseurs utilisent certaines plantes locales pour lutter contre le paludisme. Après étude, il apparaît que l’une d’elles, argemone mexicana, s’avère aussi efficace (et nettement moins chère) qu’un médicament classique, comme traitement de premier recours pour certains patients.

Clair et très documenté, l’ouvrage de Bertrand Graz prend souvent le lecteur à rebrousse-poil. Ainsi, la médecine n’est pas, et de loin, la seule responsable de l’augmentation de notre espérance de vie depuis un siècle: l’amélioration des conditions d’existence comptent pour une bonne part. Il écrit également que «la guérison à elle seule ne prouve rien». Car un malade peut se sortir d’affaire pour toutes sortes de raisons, comme par exemple la propension naturelle de l’homme à guérir…

La Commission des médecines complémentaires CHUV-UNIL: www.unil.ch/fbm/page88076_fr.html.

Le site de l’ouvrage, augmenté d’un index: www.lesavoirsuisse.ch/livres/ 978-2-88074-975-0.html

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