Dieu ne le veut pas, enfin, je crois

Jocelyn Rochat, rédaction en chef
Jocelyn Rochat, rédaction en chef

Jamais, dans l’histoire récente, l’intolérance religieuse n’avait causé de telles fuites de populations désespérées. Un peu partout sur la planète, on voit désormais des millions de chrétiens, de musulmans et d’hindous forcés de quitter des territoires qu’ils ont toujours habités. «Dans les zones de conflits, ces déplacements de grande ampleur sont devenus, de manière pernicieuse, un phénomène normal», estime le Département d’Etat américain, qui s’en est ému dans un rapport publié à la fin juillet.

En Orient, avec les images des chrétiens fuyant les djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant, mais encore au Mali et en République centrafricaine, où les militaires français sont intervenus récemment, mais encore au Proche et Moyen-Orient, où l’on découvre l’ampleur du conflit entre sunnites et chiites, sans oublier la Syrie, Israël et Gaza, l’actualité de l’été n’a cessé de confirmer les conclusions alarmantes de ce rapport.

Et quand on s’interroge sur les raisons de ce retour des guerres de religion, difficile de ne pas être frappé par l’inculture religieuse crasse affichée par certains des combattants parmi les plus fanatiques. Comme Boko Haram, devenu mondialement célèbre en organisant le rapt et la conversion de 276 jeunes filles de 12 à 17 ans au Nigeria, avant d’inonder Internet avec les fariboles que lui inspire sa lecture très personnelle du Coran.

Les délires de ce criminel suggèrent cependant une piste susceptible de pacifier ces débats: l’étude approfondie des grands textes sacrés. Cette parade paradoxale a notamment été utilisée pour ramener à la raison des combattants d’Al-Qaida qui, après avoir lu le Coran de long en large, ont découvert à quel point leur lecture était sectaire.

Dans la plupart des conflits où les belligérants invoquent un texte sacré, les historiens des religions ont des révélations à nous faire, qui sont susceptibles d’apaiser les esprits. Vous le vérifierez encore dans ce numéro d’Allez savoir! à propos d’un sujet bien connu et à peine moins polémique: la place des femmes dans les grandes religions monothéistes.

En retrouvant dans la Bible les nombreuses traces d’une Madame Dieu qui a trôné à côté de Yahvé, jusque dans le temple de Jérusalem, le professeur de l’UNIL Thomas Römer nous permet de mieux comprendre pourquoi, depuis 2700 ans environ, les grandes religions monothéistes ont d’énormes difficultés à laisser une place aux femmes.

Cet éclairage, très inattendu dans une religion et des textes que nous croyons bien connaître, montre le potentiel de l’histoire des religions, dès qu’il s’agit de pacifier les débats, fussent-ils les plus sensibles.

«Quand on s’interroge sur les raisons de ce retour des guerres de religion, Difficile de ne pas être frappé par l’inculture religieuse crasse affichée par certains des combattants parmi les plus fanatiques.»

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Quelques mots encore pour signaler qu’Allez savoir! célèbre cet été son 20e anniversaire. C’est en effet en juin 1994 qu’est paru le premier opus de cette revue, qui portait alors le numéro zéro, puisque son avenir était loin d’être assuré. Un millénaire et 58 numéros plus tard, nous devons remercier nos lecteurs qui, par leur fidélité, ont permis à cette aventure de continuer.

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