Comment séquestrer le gaz carbonique dans le sous-sol

A Tomakomai (ville portuaire au nord du Japon), le gouvernement teste la capture et le stockage de CO2 d’origine industrielle dans des aquifères salins, sous les fonds marins. ©Aaron Sheldrick/Reuters

L’idée est de recueillir le dioxyde de carbone à sa sortie des usines et, après l’avoir séparé des autres gaz de combustion, de l’injecter dans des roches poreuses – gisements de pétrole ou de gaz naturel, aquifères salins profonds ou gisements de charbon inexploitable.

Entre 2010 à 2012, l’entreprise Total a mené un projet pilote destiné à prouver la faisabilité de la méthode. L’expérience consistait à capter le CO2 issu d’une cheminée de l’ancienne usine de Lacq, dans le sud-ouest de la France, et de le réinjecter, sous pression, à 4,5 km de profondeur dans un gisement de gaz naturel désaffecté situé à quelques dizaines de kilomètres. En 2017, le groupe français s’est associé à d’autres compagnies pétrolières pour développer un projet commercial de CCS qui, dans sa première phase, devrait stocker dans le sous-sol de la Norvège environ 1,5 million de tonnes de gaz carbonique par an provenant des usines de plusieurs pays.

Ce procédé nécessite d’importants investissements. En outre, souligne Eric Verrecchia, biogéochimiste à l’UNIL, «on n’en a pas encore mesuré toutes les conséquences. Sans compter que l’on est tributaire de la qualité géologique des zones de stockage qui doivent être complètement étanches pour éviter les fuites.»

En Norvège, des scientifiques testent un procédé CCS légèrement différent du précédent. Ils récupèrent le CO2 émis par une usine et, après l’avoir dissous dans de l’eau, ils le réinjectent dans les roches basaltiques d’anciens puits de forage. Cela permet, par minéralisation, de transformer le gaz en calcaire. Alors que le processus naturel prend généralement des centaines d’années, les auteurs de l’expérience affirment qu’ils ont pu accélérer le phénomène pour qu’il se fasse en deux ans seulement.

Eric Verrecchia est sceptique. «Mes collègues français, qui ont étudié le projet, ont constaté que les Norvégiens rencontraient un certain nombre de problèmes. Ils sont dubitatifs quant à l’avenir de ce genre de techniques.»

Modifier les pratiques agricoles

Aux yeux du professeur de l’UNIL, la méthode qui offre le plus de promesses consiste à exploiter les capacités du sol à stocker le gaz carbonique sous forme de matière organique.

Une fois tombés à terre, les végétaux qui ont accumulé du CO2 au cours de la croissance sont partiellement transformés par des bactéries et autres micro-organismes en humus, lequel se lie alors aux argiles pour former la source essentielle de la fertilité et de la stabilité des sols. Toutefois, de nombreux sols sont actuellement déficitaires en carbone et, pour que ce procédé soit efficace, il faut «maintenir un certain taux de carbone par rapport au taux d’argile». Concrètement, cela nécessite de changer les pratiques agricoles, notamment «de ne labourer la terre que là où c’est nécessaire, car cela oxyde toute la matière organique du sol. Cette forme d’agriculture n’est pas nouvelle, ajoute Eric Verrecchia, mais elle doit être pratiquée avec perspicacité, afin d’être réellement efficace et rentable.» Ses avantages seraient nombreux puisque, non seulement elle stockerait du CO2, mais en outre, «elle nous permettrait de conserver nos sols et d’obtenir une meilleure production alimentaire». Le canton de Genève a déjà commencé à explorer cette voie et le canton de Vaud envisage de le faire.

Article principal: On peut stocker du CO2 dans le sol grâce aux arbres

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