Comment l’UNIL mesure-t-elle sa qualité?

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Qu’est-ce qu’une bonne université? En quoi la notion de «qualité» se comprend-elle différemment dans les mondes académique et industriel? Alors que l’UNIL vient de terminer un audit fédéral, le vice-recteur Jacques Lanarès, en charge de la qualité et des ressources humaines, fait le point.

Le troisième audit fédéral du Système Qualité de l’UNIL arrive à son terme en ce début d’été. Il a été mené par l’Organe d’accréditation et d’assurance qualité des Hautes Ecoles suisses (OAQ), pour le compte du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI).

La procédure a débuté en mars 2013 par une période d’auto-évaluation qui a duré huit mois. Ce travail a débouché sur la production d’un document de synthèse, mis à disposition d’un groupe d’experts issus du monde académique européen. En décembre, ces derniers ont passé plusieurs jours sur le campus, pour mener des entretiens  avec une centaine de personnes. Leurs conclusions figurent dans un rapport final amendé, qui fonde la décision du secrétaire d’Etat Mauro Dell’Ambrogio, communiquée au début de l’été 2014. Cet exercice régulier, auquel se livrent toutes les universités du pays, est important sur le plan financier. Car la reconnaissance du droit aux subventions fédérales dépend en partie du résultat. Ces dernières représentent environ 15% du budget de l’UNIL, qui se monte à 421,8 millions de francs (2012). De plus, le canton de Vaud reprend les conclusions du rapport final de l’OAQ. Or, l’Etat contribue à plus de 55% du budget de l’institution.

A la tête du dicastère «Qualité et Ressources hu­maines», le vice-recteur Jacques Lanarès a occupé une place centrale dans le déroulement de l’audit. Il répond à Allez savoir!

LA DÉMARCHE

L’enjeu financier de l’audit est clair. Mais qu’est-ce que l’UNIL gagne dans l’opération, qui a demandé beaucoup de travail en interne, par exemple lors de l’auto-évaluation?

Jacques Lanarès: Le premier bénéfice de l’audit réside en ce qu’il permet de faire le point sur notre système qualité et d’avoir une vision globale de nos démarches dans ce domaine. C’est notre pari: même s’il s’agit d’une demande externe, nous l’utilisons pour poursuivre notre développement. Pour moi, l’enjeu principal des processus qualité consiste à impliquer la communauté universitaire, qu’il s’agisse du corps enseignant et intermédiaire, des étudiants ou des services. Et que chacun se sente concerné par l’amélioration de nos activités.

L’audit a débuté par une vaste auto-évaluation, qui a mobilisé de nombreuses personnes. Ce mot peut porter le parfum de la satisfaction de soi. Comment l’éviter?

Le cœur de l’audit revient à démontrer que l’UNIL possède un système qualité qui fonctionne et qui corresponde à des standards. Pas juste sur le papier, mais en vrai. Or, l’auto-évaluation doit montrer en quoi nous répondons aux standards. C’est pour cela que nous documentons tout, et que notre rapport d’auto-évaluation (RAE) est accompagné d’annexes (Il désigne plusieurs volumes reliés, empilés sur plus de 30 cm). La mission des experts, en décembre dernier, était justement de déterminer si les informations rassemblées dans le RAE et les entretiens leur donnaient une conviction raisonnable que les standards sont remplis. Nous sommes loin d’appréciations personnelles! Cela ressemble à la démarche des chercheurs, qui fondent leurs conclusions sur des bases vérifiables. De nombreux documents sont d’ailleurs consultables librement sur www.unil.ch/cover. Le rapport final de l’OAQ y figurera.

LA QUALITÉ

On imagine bien ce que signifie la «qualité» dans une usine de capsules de café. Mais à l’université, on navigue dans l’immatériel la plupart du temps. Pouvez-vous me donner une définition générale de ce mot dans notre contexte académique?

Il existe toute une littérature scientifique à ce sujet et même des journaux spécialisés, dont Quality in Higher Education. Depuis 2006, un accord s’est fait jour: il n’y a aucune défi­nition unanime (sourire). Toutefois, les hautes écoles, en Europe, parlent de fitness for purpose. C’est-à-dire d’atteindre les objectifs fixés, quels qu’en soient les périmètres. Loin d’une définition absolue venue de l’extérieur, la qualité est donc liée à la mission. Cette notion se décline d’ailleurs à tous les niveaux.

Par exemple?

Le plan stratégique de l’UNIL, négocié avec les Autorités politiques, est le premier de nos onze «processus qualité». Il formalise notre engagement vis-à-vis de la société. En échange, nous y gagnons notre autonomie. Des raisonnements similaires s’appliquent pour l’évaluation des facultés, des cursus, des enseignements, des services, etc.

La notion de qualité, comprise sous l’angle ISO du terme, sous-entend l’idée de norme, qui peut être perçue négativement. Qu’en est-il à l’UNIL?

Le discours sur la qualité est très imbibé de schémas venus de l’industrie. Dans cette optique, vous faites entrer des étudiants d’un côté de l’usine et vous en ressortez des diplômés «conformes», quelques années plus tard. Si ce résultat n’est pas atteint, il est facile de trouver quelles pièces de la fabrique il convient de changer. Ce n’est pas notre vision, au contraire. L’université est un monde complexe, peuplé d’interactions imprévisibles entre êtres humains. Chacun apprend à sa manière. Nous souhaitons plutôt la plus grande diversité possible chez nos étudiants, à la fin de leur parcours à l’UNIL. Bien entendu, un bagage minimal commun est assuré, mais ce n’est pas le seul objectif.

Jacques Lanarès. Vice-recteur de l’UNIL, en charge de la qualité et des ressources humaines. Félix Imhof © UNIL
Jacques Lanarès. Vice-recteur de l’UNIL, en charge de la qualité et des ressources humaines. Félix Imhof © UNIL

LES ÉTUDIANTS

C’est assez peu connu: l’UNIL fait évaluer les cours par les premiers concernés, les étudiants. Comment cela fonctionne-t-il?

Tous les enseignants sont tenus de faire évaluer leurs enseignements par les étudiants (EEE). Cela fait partie de notre Système Qualité. L’opération se déroule au moyen de questionnaires, qui sont traités, selon les cas, par le Centre de soutien à l’enseignement (CSE) ou l’Unité de pédagogie de la Faculté de biologie et de médecine. Une synthèse et les résultats bruts sont ensuite fournis aux enseignants. D’ailleurs, les «règles du jeu» sont affichées dans toutes les salles de cours, par souci de transparence. Il faut être clair: l’objectif n’est pas le contrôle, mais l’amélioration des compétences pédagogiques et de la réponse aux attentes des étudiantes et étudiants.

Quels sont les résultats?

Cette démarche bottom-up fonctionne très bien. Nous comptons en effet, de la part des enseignants, 50% de demandes d’évaluations de plus que ce qui est requis! Certains publient la synthèse des résultats sur le site de leurs cours. De plus, l’an passé, 450 heures de conseils ont été données par le CSE, auprès de 160 personnes. Car il est inutile d’évaluer des enseignements sans agir ensuite.

LES ENSEIGNANTS

Comment jauge-t-on les professeurs?

Tous les postes stables, des maîtres d’enseignement et de recherche (MER) aux professeurs, sont basés sur des contrats renouvelables d’une durée de six ans, jusqu’à la fin de la carrière. Ce renouvellement, qui prend le cahier des charges comme référence et qui se mène au niveau des décanats en premier lieu, s’appuie sur un rapport d’activité. Il comprend une auto-évaluation et prend notamment en compte l’intégration à l’institution, la recherche et l’enseignement. La manière dont les professionnels modifient leur pratique en tenant compte des EEE figure aussi dans leur dossier. Plus de 100 enseignants sont ainsi évalués chaque année. Ainsi que deux facultés et plusieurs services: c’est un processus continu!

LA SOCIÉTÉ

Comment l’opinion des employeurs est-elle prise en compte dans la démarche qualité?

Outre des nombreux contacts directs avec les milieux professionnels concernés, les facultés mènent des enquêtes auprès des anciens étudiants. Elles leur demandent par exemple comment la formation dispensée leur est utile dans leur activité actuelle et ce qu’il faudrait améliorer. L’Office fédéral de la statistique, qui réalise également des enquêtes auprès des diplômés un an et cinq ans après la fin de leur cursus, propose des données intéressantes sur le lien entre les compétences acquises à l’université et les demandes du monde du travail. En général, les employeurs cherchent des personnes à la formation solide et généraliste et ne veulent pas transformer l’université en école professionnelle. Car en interne, elles assurent un complément spécifique à leurs besoins. Toujours sur la question de l’adéquation, nous rencontrons chaque année quelques membres de la sous-commission de gestion du Grand Conseil et régulièrement les partis politiques.

UNE QUESTION DE CULTURE

Tout le monde a sa petite idée sur ce que devrait être une bonne université. Comment en tenir compte sans briser la cohérence de l’institution?

Certains adorent les indicateurs et les rankings, alors que les étudiants s’y intéressent très peu. C’est l’avis de leurs amis qui compte dans le choix de leurs études. Pour les chercheurs, ce sont les peer reviews qui comptent. Chacun tire de son côté. Il faut donc trouver un lieu géométrique acceptable, en affirmant que la définition de la qualité ne résulte pas de l’opinion d’un groupe de personnes ou d’un milieu économique, mais qu’elle s’inscrit dans une perspective dynamique, et non pas normative. Elle régule les tensions et réduit justement les écarts entre les points de vue.

La notion de «culture qualité», à mettre en place dans l’institution, revient régulièrement dans les documents. Pouvez-vous la définir?

Cette notion vient en rupture de celles d’assurance ou de contrôle qualité. Il s’agit de faire en sorte que la recherche collective de l’amélioration fasse partie des valeurs de l’institution. Elle est établie quand les collaborateurs voient la pertinence des démarches qualité et y adhèrent par conviction. Mon but, pour les prochaines années, consiste à enraciner cette culture, à élaguer ce qui, dans notre système qualité, ne produit que peu d’effet et à alléger l’ensemble… sans perdre en pertinence ou en cohérence.

Lexique

OAQ
Indépendant, l’Organe d’accréditation et d’assurance qualité assure et promeut la qualité de l’enseignement et de la recherche dans les Hautes Ecoles suisses. Basé à Berne, il travaille par exemple sur mandat de la Conférence universitaire suisse ou du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation. www.oaq.ch

Peer review
Centrale dans le domaine de la recherche, l’évaluation par les pairs consiste à évaluer, de manière critique, les travaux d’autres chercheurs. Cette notion s’exerce aussi bien sur les articles proposés pour publication dans des revues que pour juger de la carrière d’un scientifique.

Plan stratégique
Le Plan stratégique constitue l’accord de base entre l’Etat de Vaud et la direction de l’UNIL. Il garantit l’autonomie de l’institution pour autant qu’elle respecte ce cadre. Le Plan stratégique 2013-2017 a été adopté par le Grand Conseil le 26 novembre 2013. Il peut être consulté sous www.unil.ch/central/page2866.html

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