Anosmie

Qu’elle soit provoquée par un accident, une pathologie chronique ou l’ingestion de médicaments, la perte totale de l’odorat – ou anosmie – est perçue comme peu handicapante. A tort, selon Marie-Christine Broillet, spécialiste des systèmes sensoriels.

Reconnaître le doux parfum d’une fleur, d’un être proche ou celle, putride, d’une viande avariée sont autant de manières d’appréhender notre environnement. Avec ses plaisirs et ses dangers. Impossible pour les personnes souffrant d’anosmie, une perte complète de l’olfaction. «Cette modalité sensorielle, considérée comme “esthétique” et moins essentielle que la vue ou l’ouïe, est peu étudiée et prise en considération par les médecins», indique Marie-Christine Broillet, maître d’enseignement et de recherche au Département de pharmacologie et de toxicologie. Or la perception des odeurs influence grandement la qualité de vie.

«Pour faire vibrer les cordes du cœur, les odeurs sont plus sûres que ce que l’on voit ou ce que l’on entend», se plaisait à dire l’écrivain Rudyard Kipling. Souffrir d’anosmie peut fortement affecter le lien à l’autre et induire des difficultés à créer des relations intimes. «Il arrive que cette pathologie soit détectée lors d’une naissance. Dépression ou anxiété de la mère peuvent être dues au fait qu’elle est incapable de reconnaître le parfum naturel de son enfant. D’où des difficultés d’attachement», explique la chercheuse. L’odorat a également pour rôle d’alerter. Odeur de gaz, de fumée, de nourriture périmée: les victimes d’anosmie ne décèlent pas les menaces du quotidien.

Avoir du pif

La perte de l’olfaction peut être due à l’absorption de certains médicaments comme la pilule contraceptive ou, principalement, les traitements contre les maladies cardiovasculaires telle l’hypertension. Ces derniers bloquent la transmission du signal chimique (odeur) vers le cerveau. Lors des formations continues qu’elle dispense, Marie-Christine Broillet tente de sensibiliser les médecins prescripteurs à ce problème. «Souvent, il suffit de changer la médication pour que les effets secondaires disparaissent.»

L’inhalation de substances comme la fumée de cigarette (présence de plomb et de cadmium notamment), le chlore ou les poussières de ciment, provoque également des cas d’anosmie. Tout comme la pollution. Plus étonnant, la spécialiste révèle que certaines épices doivent être manipulées avec précaution. «Respirer du poivre, ne serait-ce qu’une seule fois, peut causer une diminution de l’odorat (hyposmie) irréversible.»

Les maladies chroniques qui affectent les cavités nasales (rhinites, sinusites) risquent également d’induire une perte totale de l’olfaction. L’obstruction des canaux du nez empêche alors le passage des molécules odorantes. Autre cause évoquée: les chocs au visage, par exemple en cas de chute à moto. Lorsqu’une molécule odorante entre dans le nez, elle est reconnue par des neurones spécifiques, situés juste au-dessus des yeux. Ces cellules nerveuses se prolongent jusque dans le bulbe olfactif, à l’intérieur du cerveau. «Cette structure fragile peut être endommagée lors d’un traumatisme crânien, provoquant la mort des neurones. Ces derniers sont en partie capables de se régénérer mais, en cas de dégâts massifs, l’accidenté risque de perdre définitivement l’odorat.» Les aînés souffrent plus fréquemment d’anosmie, puisqu’avec l’âge, les neurones répondant aux odeurs se renouvellent moins fréquemment.

Duo de choc

Marie-Christine Broillet se penche sur l’olfaction depuis plus de vingt ans. Elle a travaillé en étroite collaboration avec L’éprouvette, le laboratoire public de l’UNIL, pour mettre sur pied un atelier* qui explore les différentes facettes du goût et de l’olfaction, deux sens liés. «90% de la perception de ce que nous mangeons relève de l’odorat. Les personnes qui souffrent d’anosmie perdent ainsi parfois l’appétit ou salent davantage les aliments. D’où l’importance de prendre soin de son nez.»

*Atelier «Le goût, comment ça marche»
L’éprouvette, le laboratoire public de l’UNIL
Vendredi 9 mars, 18h30 – 20h30
Adultes et enfants dès 9 ans, 15 fr. par personne
Inscription indispensable

Marie-Christine Broillet, maître d’enseignement et de recherche au Département de pharmacologie et de toxicologie. F. Imhof © UNIL

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