Entretien avec Brigitte Pradervand, historienne de l’art

En complément de l’article « Dans la cathédrale, les animaux rejouent la lutte du Bien et du Mal » paru dans Allez savoir ! 55

La Tour nord de la cathédrale, à gauche de l’entrée, n’est pas ouverte au public. Mais à travers les grilles, on peut admirer les stalles de bois du XVIe siècle. Un autre ensemble, daté du XIIIe siècle, se trouve actuellement en cours de restauration. Historienne indépendante et chargée de cours en section d’histoire à l’UNIL, Brigitte Pradervand (et son collègue Nicolas Schätti) ont rédigé un texte sur ce mobilier, dans le récent ouvrage La cathédrale Notre-Dame de Lausanne 1).

Les somptueuses stalles du XVIe ont été commandées par l’évêque Aymon de Montfalcon, et terminées en 1509. Elles sont peuplées de nombreuses créatures, comme des dragons, une sirène, une licorne, une chouette, des béliers, un bouquetin, des faucons, … Les miséricordes, soit les petites consoles fixées à la partie inférieure du siège rabattable d’une stalle, cachent également de nombreux animaux, comme cette laie qui joue de la cornemuse. « On trouve parfois des représentations de fous jouant de cet instrument, qui possède de plus une connotation sexuelle », explique Brigitte Pradervand.

Mais il ne faut pas s’étonner de sentir une telle odeur de soufre dans un lieu fréquenté par des religieux. Les personnalités qui y avaient accès s’asseyaient sur les monstres, une manière de montrer que le Mal a été vaincu. Il est courant de trouver des scènes de la vie quotidienne, mêmes les plus triviales (maux de dents, défécation) dans les stalles, en tous cas dans leurs parties basses. On le voit aussi sur les chapiteaux de l’église de Grandson par exemple, illustrant le Mal qui doit être chassé de l’église. « Ces représentations comportent un aspect humoristique, mais il reste bien difficile de trancher entre le second degré et la dénonciation », note Brigitte Pradervand.

D’autres caractéristiques de ce mobilier du XVIe compliquent la donne : l’ensemble a été démonté puis remonté… dans le désordre. Des miséricordes abimées ont été remplacées. La cohérence originale s’est donc perdue au fil du temps. Enfin, certains animaux naviguent entre un symbolisme positif et négatif. Il convient donc de rester modeste dans les interprétations, et se faire à l’idée que le sens profond nous restera hermétique.

1)  La Bibliothèque des Arts (2012), 323 p.

L’Eglise de Grandson : http://www.patrimoine.vd.ch/monuments-et-sites/eglises/eglise-de-grandson/accueil/

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